L'Estérel
LES MONTJOIES OU LES CAIRNS
Les premiers aménagements réalisés par les hommes sur les chemins ont été leur bornage. Parfois, de simples pierres dressées délimitent le chemin.
Certaines peuvent atteindre plus d’un mètre de haut ; on les appelle des « Montjoies ». Elles indiquent le chemin lorsque celui-ci ne devient plus qu’un simple tracé difficilement lisible dans la végétation.
Le nom de Montjoies fut donné aux croix élevées au bord de la route de Paris à Saint-Denis sous le règne de Philippe III (1270 à 1285).
C’étaient de petits monuments gothiques, au nombre de 5, élevés à chacun des endroits où Philippe III le Hardi, portant le corps de son père, Saint Louis, le 12 mai 1271, arrêta le convoi pour se reposer.
Entre l’ile de la Cité et la basilique Saint-Denis, de nombreuses croix seront érigées et prendront le nom de « Montjoies ». Ce parcours sera également signalé par des tas de pierres, devenant aussi des « Montjoies ».
En 1793, les 5 Montjoies de la plaine du Lendit et de Saint-Denis, furent abattues.
Au Moyen Âge, le cri d’armes des armées du Roi de France était : « Montjoie, Saint-Denis ». Le roi d’Armes de France se nommait : « Montjoie ».
D’une manière générale, les Montjoies étaient des repères pour les voyageurs.
Il peut s’agir de quelques pierres sommairement empilées (on parle alors aussi de « cairns », que les marcheurs en montagne connaissent bien).
En anglais, cairn est l’équivalent du français Monjoie et désigne un amas de pierres érigé pour servir de borne ou de mémorial.
Le mot, qui est d’origine Ecossaise, a été pris d’abord dans le sens de tumulus celtique, puis dans celui de pyramide de pierres servant de repère ou de marque de passage pour les alpinistes ou les randonneurs.
Ces petits tas de pierres servent maintenant à repérer un chemin et il est d’usage d’y rajouter un petit caillou.
Le terme français dérive probablement d’appellations du Sud. En Catalan, le terme « Monjoïa » désigne un monticule de pierres ou un pilier en pierre érigé pour baliser un chemin. Le terme est présent en dialecte nissart sous la forme de « Mounjoia », désignant un tas de pierres marquant une étape de transhumance ou un sommet. Ce sens de tas de pierres amoncelées ou de blocs de pierre dressé servant de balise, de borne, de repère, se retrouve dans le mot français « Montjoie », employé depuis longtemps dans la littérature relative aux pèlerinages religieux et, plus récemment dans celle consacrée à la pratique de la randonnée.
L’ORATOIRE SAINT JACQUES.
Sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle et de Rome, à l’endroit où, dans l’Estérel, le GR 653A passe du département des Alpes-Maritimes à celui du Var, à l’initiative du président des amis de Saint-Jacques des Alpes-Maritimes et à celle, décisive, de Monsieur Georges Botella, Maire de Théoule-sur-Mer, un oratoire, dédié à Saint-Jacques a été édifié au niveau du col du Pic Martin, dans une boucle du sentier de grande randonnée, lieu idéalement placé d’où l’œil embrasse un panorama d’une ampleur exceptionnelle.
Sur cette terre aride et stérile, une source de spiritualité vivante a jailli sous la forme d’un oratoire, dédié à Saint-Jacques. C’est un repère sur le chemin de Compostelle, comme aurait pu l’être une « montjoie », un lieu d’appel au recueillement ou à la prière.
De là, on peut découvrir la ville de Cannes, d’une blancheur virginale, sa baie cloutée de myriades de bateaux, la mer, au plus près, cuirassée d’argent, s’ébrouant sur les rivages, les iles de Lérins, dans leur écrin de verdure, où l’esprit continue de souffler grâce aux moines de Saint-Honorat, en arrière les Préalpes de Grasse et, plus loin encore, comme un fond de scène irréel et magique, le Massif du Mercantour encore empanaché de brumes et toujours enneigé.
L’oratoire, avec son air rustique, modeste et ancien qui nous ferait croire qu’il est ici depuis des lustres, est édifié dans un magnifique appareillage de pierres issues du massif de l’Estérel.
Un remarquable assortiment de pierres sèches et chaudes, aux tons de miel et de Rhyolite amarante, en constitue le pilier, percé d’une niche, contenant la statue de Saint-Jacques, fermé par une grille de ferronnerie, agrémenté d’un bénitier et coiffé par un toit à deux pentes fait de la réunion de plusieurs dalles de schiste, le tout étant surmonté par une croix de fer forgé.
La statue, la croix et la grille ont été réalisées par Mr Fortuné Evangélisti à qui l’on doit déjà, entre autres, l’imposante et magnifique statue de « Notre Dame d’Afrique », également dans l’Estérel.
Bernard CHARIE
LES NOMS DE L’ESTEREL
Nous l’avons gravé au cœur depuis si longtemps : savons-nous trouver les noms de ses différents sentiers, carrefours, cols, monts, collines et vallons, tous plus étranges et mystérieux les uns que les autres ?
Il est tellement important de pouvoir nommer ce que l’on aime.
Savons-nous bien enfin de quoi nous parlons quand nous les nommons ? Que cachent de si étranges noms ? D’où viennent-t-ils ces noms que nos anciens ont donné à ces lieux qui constituaient leur quotidien ?
La toponymie de l’Estérel témoigne d’une très riche inventivité et nous allons en tenter, en toute modestie, une approche qui restera de toute façon très partielle et sans doute aussi très discutable.
Il existe en plusieurs lieux un très riche bestiaire : des animaux sauvages par exemple comme la LOUVE (et sa tanière, maison forestière), l’OURS (le pic), les SANGLIERS (la baisse), le PORFAIT (le porc rayé, c’est-à-dire le marcassin), le LIEVRE (le pas), la BECASSE le pont) ; des animaux domestiques aussi comme la CABRE (la chèvre, le vallon), les SAOUMES (les ânesses, le vallon), les petites VACHES (le col), les grosses VACHES (le col), l’ESTARPE du CHEVAL (l’ancienne voie romaine), les Petites et les Grandes GRUES (les sommets, terme provençal, les Grouas, qui désignait le lieu où les anciens déposaient les ruches pour le couvain), l’APIE du Cigalon (vallon ensoleillé où chantent les cigales), le PIGEONNIER (le pont fait sans doute référence à l’aiguille volcanique qui domine la piste).
D’autres lieux empruntent à la Botanique : l’AVELLAN (un des noms donnés au noisetier), les VEISSIERES (pour la récolte des noisettes), le PINET (le plan, pour les pins), la CADIERE (pour l’exploitation des Genévriers Cade), les PEGUIERES (pour les fours à poix, la pègue), le TREMBLANT (variété de peupliers, le Tremble), le SUVERET, les SUVIERES (forêts de chênes lièges), les FERRIERES (les Châtaigniers).
L’Estérel est un pays de terres, mauvaises pour certaines, l’AIGRE (le mont), le MALPEY (col peu agréable quand souffle le mistral), le GRATADIS (la maison forestière), le PELET (le mont), favorables pour d’autres, l’AVELLAN (le lac et les gorges), les LENTISQUES (col et ravin),
Certains lieux témoignent du labeur des hommes : les CHARRETIERS (maison forestière), les CANTONNIERS (maison forestière), les CHARBONNIERS (maison forestière), d’autres portent le témoignage d’une ferveur religieuse : NOTRE DAME (col), l’EVEQUE (col), le SAINT PILON (pic), SAINT MARTIN (pic), rocher SAINT BARTHELEMY, SAINT HONORAT (ermitage), le pas du CONFESSIONNAL (col), le BONNET DU CAPELAN (le chapeau de curé).
D’où vient enfin ce nom de THEOLE, un beau rocher au bord du plateau d’Anthéor ? Faut-il chercher l’origine de Théoule, vrai sésame de l’Estérel, mais aussi d’Anthéor dans quelques racines ligures ? A priori, c’était le nom d’une déesse de la mer, TELO, nom qui aurait été repris et déformé ensuite, puisqu’il existe une Sainte THEOLE le 25 mars.
Bernard CHARIE.
Patronyme
On démarre dans la lumière crue et déjà chaude du matin.
Un soleil oblique saluait notre nouvelle présence, bien trop longtemps différée.
L’incarnat des rochers brûlait au soleil.
Profil dentelé des sommets du massif du Mercantour
Roches sanguines
Au revers des talus
Un feu d’étoupe
Dieu n’est présent en moi que sous la forme de sa question.
(E.E. SCHMITT)
PEPITES D’ESTEREL
Contrastes des couleurs
Juste au-dessus de l’eau
Et voir à chaque heure
Des cimes en lambeaux.
Reflets de roches roses
Au couchant du soleil
Tout en métamorphoses
Dès le matin au soleil.
Aiguilles de porphyre,
Echappées de verdure
En bouquet de plaisir
Sur un décor d’azur.
Montagnes étranglées
Et pitons d’amarante,
Du vert tout enchâssé
De plantes odorantes.
Cigales en bruit de fond,
Dans la chaleur du jour,
Font monter des monts
Des palanquées d’amour.
Forêts d’eucalyptus
Et de pins parasols,
Reçu là en bonus
A la rencontre d’un col.
Senteurs d’herbes du sud,
D’arbousiers orangés,
Odeurs d’infinitudes
A jamais engrangées.
Criques déchiquetées
S’avançant dans la mer
Comme pour aller chercher
Des souvenirs d’hier.
Légendes d’autrefois
Des bandits et des fées.
C’est « il était une fois »
Aux enfants racontées.
Images de Provence
En lavis d’aquarelle
Dont on sent les fragrances
Dans les monts d’Estérel.
Gabriel FRANCESCHINI.
L’ESTEREL, UN MONDE A DECOUVRIR
Victor Hugo écrivait : « C’est une belle chose que la montagne couverte par les sombres verdures de l’Estérel. Les Alpes meurent ici dignement. »
Nous avons à conquérir, à découvrir un terrain de jeu infini, encore largement méconnu par beaucoup d’entre nous.
Pour qui le parcourt à pied, l’Estérel peut devenir un continent à lui seul, inépuisable.
L’Estérel s’est construit il y a 280 millions d’années et nous en goutons aujourd’hui tous les bienfaits.
Un rapide inventaire « à la Prévert », dans le désordre et non exhaustif, en donnera une toute petite idée et rappellera sans doute à beaucoup de très beaux souvenirs.
Il appartient à chacune et à chacun de compléter la liste au gré de ses pérégrinations.
- Pistes, sentiers, sentes et venelles / des Œufs de Boucs (lithophyses) / du Porfait / GR51 / de l’Esquine / de l’Auriasque / Castelli / des Malavalettes / GR 49
- Pont / de Bresson / des Cantines / Sarrazin / du Perthus / du Pigeonnier / de Barban / de la Péguière
- Lacs / du Grenouillet / feu le lac de l’Ecureuil / lac de la Charbonnière / du Gabre de Gourin
- Ravins / le Mal Infernet / des Lentisques / du Grenouillet
- Monts/ Vinaigre / Pic de l’Ours /saint Martin /sommet Pelet / Turney / de Theoule / le Marsaou / les Suvières / les Grosses Grues / le Pilon / le Saint Pilon
- Pics / du Cap Roux / d’Aurelle / du Perthus Oriental / du Perthus Occidental
- Maisons forestières / du Malpey / des Cantonniers / des Malavalettes / de la Duchesse / des trois Termes / du Gratadis / la Louve / les Charretiers / de Roussiveau / du Trayas / de Palaysson / du Trayas
- Ruines / barrage de Malpasset / Aqueduc Romain
- Fontaines/ du Marsaou / de la Sainte Baume
- Mines / de Boson / de l’Avellan / de Maure Vieil / de l’Auriasque / des trois Termes
- Cols / de Belle Barbe / du Baladou / des Lentisques / Notre Dame / de l’Evêque / de la Cadière / de l’aire de l’Olivier / du Testanier / de l’Auriasque / du Mistral / du Baladou / du Cap Roux / des Monges / du Jausier / du Trayas / de l’Essuyadou
- Personnalités / Gaspard de Besse (renommé brigand provençal) / Saint Honorat de Lérins (fondateur de l’abbaye éponyme) / Auguste Muterse (inspecteur général des eaux et forêts, aménageur de l’Estérel et à l’origine des 14 Maisons Forestières de l’Estérel) / Edouart-Alfred Martel (à qui nous devons les premières cartographies de l’Estérel et qui fit construire ce que nous connaissons aujourd’hui sous le sobriquet de « maison brûlée »)
- Oratoires / Saint Jacques / de Guérin
- Chapelles / Notre Dame de Jérusalem
- Grottes / Grotte et Chapelle Saint Honorat / de l’Uzel / la dent de l’Ours
- Roches / la rougeoyante Ryolite / la verte Esterellite
- Calanques / de Maupas / d’Aurelle / de Maubois / de Saint Barthélémy / d’Anthéor / des Deux Frères
- Rivières / le Reyran
- Flore / Arbousier / Asphodèle / Cystes / …
- Lacs / des Péguières / des trois Vallons / de la Charbonnière / des Dames / de Saint Cassien / de l’Avellan / du Gabre de Gourin
Tel est l’Estérel, un monde en soi.
« Un marcheur n’arrive jamais, il est toujours de passage »
Bernard CHARIE